Début 1952, Bergman expose en Allemagne. Elle fréquente le critique Will Grohmann et mène une enquête sur les artistes persécutés par les nazis comme Willi Baumeister ou Karl Schmidt-Rottluff. Elle gagne ensuite Paris, reprend une relation avec Hans Hartung. Elle commence à se faire une solide réputation. Que ce soit dans un cadre public ou privé, ses œuvres sont saluées entre autres par Pierre Soulages, les critiques Herta Wescher et Michel Seuphor. Elle intègre la puissante Galerie de France, qui organise sa première exposition en 1958.
Anna-Eva Bergman développe dans les années 1950 une œuvre d'une singularité difficile à situer dans l'histoire de l'art traditionnelle. "C'est une peinture originale qui ne doit rien aux modes", résume le critique Michel Ragon. Ses thèmes archétypiques - pierres, univers, arbres, astres - écartent désormais toute représentation anthropomorphique et tendent à l'abstraction mais sans s'arracher complètement à toute référence. D'ailleurs, elle préfère parler de "non-figuratif" ou d'" art d'abstraire". Bergman élabore une sorte d'alphabet visuel en mutation constante. C'est une perpétuelle "naissance des formes" dans le sens où chaque forme est susceptible d'en engendrer d'autres par variations graphiques et chromatiques d'un tableau à l'autre. L'usage de la feuille de métal est, en outre, de plus en plus courant dans sa production : doté de qualités luminescentes, le tableau invite implicitement le regardeur à être mobile, à se déplacer devant sa surface.
Anna-Eva Bergman
N°1-1953 La griffe
1953
Tempera sur toile
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
Non titré
Vers 1952
Encre de Chine, tempera et pastel sur papier
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
N°7-1952
1952
Huile sur panneau de bois contreplaqué
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
N°40-1958 Planète éclatée
1958
Tempera et feuille de métal sur papier
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
N°XB-1956 Icare
1956
Tempera et feuille de métal sur panneau de bois contreplaqué
Fondation Hartung-Bergman
"L'art n'est qu'une des multiples régions explorées par l'homme : le voyage traverse les religions, les paysages, l'âme humaine."
Anna-Eva Bergman citée par Bjarne Rise, "Voyage vers l'intérieur", 1966
Anna-Eva Bergman
N°29-1955 Crabe d'argent
1955
Tempera à la caséine et feuille de métal sur toile
Musée d'Art Moderne de Paris
Anna-Eva Bergman
N°14-1956 Le grand nord
1956
Tempera et feuille de métal sur toile
Fondation Hartung-Bergman
Avec ce grand roc bleu profond, qui s'érige comme une proue ou une stèle - deux autres motifs récurrents de son répertoire de formes alors en pleine élaboration dans les années 1950 -, Bergman symbolise un espace géographique dont l'expérience pose les limites de l'existence humaine. Il s'agit de l'immensité des paysages septentrionaux que l'artiste a observés lors de son voyage dans le nord de la Norvège en 1950, la rigueur de leur climat et la faible occupation humaine qui les caractérise. Par sa prestance et ses dimensions imposantes, l'œuvre, qui domine le spectateur, contribue presque à personnifier une donnée géologique qui redéfinit nos conditions d'existence et notre proportion toute relative dans l'Univers.
Anna-Eva Bergman
N°4-1957 La grande montagne
1957
Huile et feuille de métal sur toile
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
N°10-1957 (Moïse ou) Grand arbre
1957
Tempera et feuille de métal sur toile
Fondation Hartung-Bergman
Bergman propose ici une équivalence plus qu'un choix entre la désignation du prophète Moïse, personnage des Écritures communes aux religions juive, chrétienne et musulmane, et celle d'un de ses motifs favoris, l'arbre. Les deux se rejoignent pour évoquer une certaine forme de sagesse, de puissance et de solennité monumentale, présentes aussi bien dans la civilisation et le savoir humain que dans la nature terrestre. De l'arbre, l'artiste ne retient que l'ampleur du tronc et la force dynamique et rayonnante des branches. Le soin apporté à la couleur des glacis qui recouvrent les feuilles de métal tend à évoquer les reflets vert bleuté des lichens.
Anna-Eva Bergman
N°11-1960 Grande vallée
1960
Huile et feuille de métal sur toile
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
N°3-1955 Forme noire
1955
Huile sur toile
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
1954-1956 Forme orange
1955
Huile et feuille de métal sur toile
Fondation Hartung-Bergman
En 1958, Anna-Eva Bergman présente pour la première fois, dans une série d'œuvres sur papier à la tempera et feuilles métalliques, les bases du répertoire de formes qu'elle a développé depuis 1952 : pierre, lune, planète, arbre, montagne, tombeau, vallée, barque, miroir, etc. Elle les compilera en une liste exhaustive à la fin des années 1960 pour détailler les thèmes qui lui permettent de créer une sorte d'alphabet, développant des catégories et précisant leurs développements et leurs transformations successifs dans ses peintures et estampes. À chacune des grandes étapes de son évolution artistique, Bergman effectuera le point sur ce vocabulaire symbolique qui irrigue toute son œuvre.
Anna-Eva Bergman
N°88-1958 Lumière boréale
1958
Tempera et feuille de métal sur papier
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
N°40-1958 Planète éclatée
1958
Tempera et feuille de métal sur papier
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
N°71-1958 Morceau de montagne
1958
Tempera et feuille de métal sur papier
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
N°104-1958 Proue
1958
Tempera et feuille de métal sur papier Rives
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
N°105-1958 Barque
1958
Tempera et feuille de métal sur papier Rives
Fondation Hartung-Bergman
« On doit pouvoir construire un monde pictural symbolique par conséquent, un symbole pictural – à partir du monde réel - avec toutes ses beautés, ses luttes et ses souffrances - avec sa dynamique - ses rythmes, ses harmonies et ses disharmonies, partout subordonnés aux mêmes lois. »
Anna-Eva Bergman, 1951
Anna-Eva Bergman
L1-1963 Ringel Univers
1963
Lithographie, et crayon et stylet sur vélin BFK de Rives Épreuve justifiée 7/24 et timbre sec AEB Erker-Presse, Saint-Gall,
imprimeur Musée d'Art Moderne de Paris
Anna-Eva Bergman
L8-1963 Mer de Norvège
1963
Lithographie sur vélin BFK de Rives Épreuve justifiée 5/24 et timbre sec AEB Erker-Presse, Saint-Gall,
imprimeur Musée d'Art Moderne de Paris
Anna-Eva Bergman
G 12-1953 Quatre formes pierres
1953
Eau-forte sur cuivre et aquatinte sur vélin d'Arches
Épreuve justifiée 30 et signée Lacourière, Paris,
imprimeur Musée d'Art Moderne de Paris
Bergman utilise la feuille de métal (or, argent, aluminium, cuivre, étain, plomb, bismuth) dès les années 1940, inspirée par les retables des églises norvégiennes du Moyen Âge. Elle n'a de cesse de personnaliser cette technique, employant d'abord le bol d'Arménie (préparation argileuse colorée) sur lequel les feuilles sont polies avec une pierre d'agate, puis la dorure à la mixtion, vernis gras qui facilite l'adhésion du métal. À partir de 1950, elle peint principalement à la tempera. Dans les années 1960, elle opte pour une peinture vinylique, puis pour l'acrylique la décennie suivante. L'évaporation de la phase aqueuse contenue dans ces préparations requiert des gestes directs. Ces procédés sont tout sauf spontanés et exigent la maîtrise de plusieurs étapes, toutes interdépendantes et soigneusement préparées. Les fonds préparatoires sont très colorés, ainsi que les vernis et les glacis qu'elle applique sur le métal afin d'en diversifier les reflets. À partir des années 1960, elle travaille dans la matière même de l'œuvre en arrachant les feuilles de métal pour faire apparaître des strates sous-jacentes ou en apportant du volume et de la texture à la matière picturale avec la modeling paste.
Dans le domaine de l'estampe, elle maîtrise la lithographie et les traditionnelles techniques sur cuivre (eau-forte, aquatinte, vernis mou, taille-douce). Elle a une prédilection pour la gravure sur bois. Elle y excelle, jouant avec les veines et les stries naturelles du matériau, sublimé par des tirages réalisés à l'or, à l'argent ou au bleu manganèse.
Anna-Eva Bergman
N°1-1967 Fjord
1967
Vinylique et feuille de métal sur toile
Fondation Hartung-Bergman
En 1964, Anna-Eva Bergman et Hans Hartung voyagent le long de la côte nord de la Norvège jusqu'au cap Nord et en rapportent près d'un millier de photographies. Pendant de nombreuses années, Bergman puisera son inspiration dans les esquisses et les images de ce voyage. À la même époque, elle achète un terrain en Espagne, à Carboneras. Elle y projette une maison-atelier (non réalisée) orientée en cinq parties autour d'un patio, à partir du dessin d'un pentagramme issu de ses recherches des années 1948-1949.
De nombreuses œuvres portent la trace de ce tropisme Nord-Sud qui, loin de s'opposer entre ce qui serait prétendument froid et polaire d'un côté, chaud et solaire de l'autre, se confond souvent, notamment dans l'expression d'immensités désertiques. Bergman ne se contente pas de retranscriptions paysagères brutes, purement inspirées du motif naturel. Elle se passionne à la fois pour les systèmes de représentation du monde issus des mythes anciens et pour les plus récentes avancées scientifiques de son temps, notamment en matière d'archéologie et d'astronomie. Elle s'imprègne ainsi de nombreuses visions cosmogoniques, depuis les classiques de la littérature (L'Épopée de Gilgamesh, l'Ancien et le Nouveau Testament, Dante et même Howard Phillips Lovecraft...) jusqu'aux découvertes astrophysiques modernes. Dans les années 1950-1960, elle lit par exemple des Ouvrages d'Einstein, s'enthousiasme pour la conquête spatiale et s'abonne à la revue Planète.
Anna-Eva Bergman
N°7-1963
1963
Huile et feuille de métal sur panneau de bois contreplaqué
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
N°11-1968 Grand rond
1968
Vinylique et feuille de métal sur toile
Fondation Hartung-Bergman
"C'était [...] le moment où le soleil ne se couche pas [...] les paysages avaient un aspect magique. D'innombrables îles sur lesquelles se dressaient des rochers en granit qui semblaient d'immenses sculptures posées sur les eaux. C'était ensorcelant."
Anna-Eva Bergman, 1984
Anna-Eva Bergman
N°12-1967 Grand Finnmark rouge
1967
Vinylique et feuille de métal sur toile
Fondation Hartung-Bergman
"C'est du Finnmark et de la Norvège du Nord que je rêve. La lumière me met en extase. Elle se présente par couches et donne une impression d'espaces différents en même temps très très près et très très loin. On a l'impression d'une couche d'air entre chaque rayon de lumière et ce sont ces couches d'air qui créent la perspective. C'est magique."
Anna-Eva Bergman, 1979
Anna-Eva Bergman
N°2-1968 Fjord
1968
Huile et feuille de métal sur toile
Fondation Hartung-Bergman
Ana-Eva Bergman
N°55-1969 Autre terre, autre lune
1969
Vinylique et feuille de métal sur panneau de bois contreplaqué
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
N°8-1969 Grand horizon bleu
1969
Vinylique et feuille de métal sur toile
Fondation Hartung-Bergman
"Pour moi, [l'horizon] contient l'éternité, l'infini, le passage vers l'inconnu. [...] L'horizon est la limite de l'expérience humaine [...]; une limite que j'essaie de dépasser, une expérience que je tente d'élargir. Au-delà de la frontière de l'horizon se trouve un domaine qui, quoique physiquement inatteignable pour l'homme, existe et dont on peut faire l'expérience. Peut-être ce vécu doit-il être appréhendé comme une pure expérience de la Nature, quelque chose d'atmosphérique, d'irrationnel, comme l'est la métaphysique, ou l'absolu."
Anna-Eva Bergman, 1984
Anna-Eva Bergman
N°27-1979 Contour d'un rocher
1979
Acrylique et feuille de métal sur papier marouflé sur panneau de bois
Musée d'Art Moderne de Paris
Anna-Eva Bergman
N°29-1979 Rayon de lumière
1979
Acrylique et feuille de métal sur papier marouflé sur panneau de bois
Musée d'Art Moderne de Paris
Anna-Eva Bergman
N°27-1980
1980
Acrylique et feuille de métal sur papier marouflé sur panneau de bois
Musée d'Art Moderne de Paris
Anna-Eva Bergman
N°32-1980
1980
Acrylique et feuille de métal sur papier marouflé sur panneau de bois
Musée d'Art Moderne de Paris
Anna-Eva Bergman
N°25-1981 Lac II
1981
Acrylique et feuille de métal sur toile
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
N°23-1981 Entre les deux montagnes
1981
Acrylique et feuille de métal sur toile
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
N°15-1986
1986
Acrylique sur toile
Fondation Hartung-Bergman
Anna-Eva Bergman
N°16-1986
1986
Acrylique et feuille de métal sur toile
Musée d'Art Moderne de Paris
Anna-Eva Bergman
N°26-1986
1986
Acrylique, modeling paste et feuille de métal sur toile
Musée d'Art Moderne de Paris
"Le véritable secret de l'art ne réside pas dans la volonté de créer mais de laisser quelque chose se créer à travers soi."
Anna-Eva Bergman 1980