Originaire du Cameroun, Barthélémy Toguo se déplace sans cesse d'un continent à l'autre, il est à l'écoute du monde. Sa pratique artis tique plurielle - dessins, peintures, sculptures, installations, photographies, performances et vidéos, dont les thèmes se font souvent écho, temoignent de son engagement.
Barthélémy Toguo puise son inspiration dans un patrimoine mondial, cependant la référence aux cultures de l'Afrique est très présente dans ses créations. La mise en résonance de ces dernières avec des pièces d'arts africains anciens suggère des proximités conceptuelles et formelles, que l'on retrouve notamment dans la première section de l'exposition, "Le corps mis en scène". "Énergies vitales", la deuxième section, met en avant le lien entre l'homme, le végétal et l'animal, fon damental pour de nombreux peuples d'Afrique. Les œuvres qui composent la troisième section, "Créer pour dire le monde", développent des thèmes en prise avec des réalités qui nous concernent tous. Elles invitent à prendre conscience des injustices qui gangrènent les sociétés et des désordres qui menacent la planète. L'artiste nous adresse un message universel : "Que faisons-nous de notre humanité ?"
Le corps mis en scène
Le corps transmet des récits personnels et collectifs qui se superposent.
Douleur et espoir se côtoient fréquemment dans une même oeuvre, et s'énoncent à travers une figuration qui dynamise les formes. Dans les peintures, les couleurs dominantes - rouge, bleu, vert, noir et blanc-, déclinées en dégradés, densifient les corps.
Les mains levées, la bouche ouverte, la présence de clous fichés dans la tête et dans les membres sont autant de symboles qui suggèrent de multiples interprétations. Ces bouches s'ouvrent-elles pour prononcer une parole ou crier de terreur ? Est-ce une référence à l'art bamiléké ?
Barthélémy Toguo fait du corps dessiné, peint, ou mis en scène lors d'une performance, le support de ses interrogations, dont il propose qu'elles deviennent les nôtres.
Nyankassa
2001
Aquarelle sur papier
Paris, Centre national des arts plastiques Inv. FNAC 02-731
© Adagp, Paris, 2021
Au fil des années, Barthélémy Toguo a développé sa technique de l'aquarelle, travaillant les dégradés et les contrastes chromatiques pour accentuer les effets de volume et détacher les figures.
Dans l'aquarelle Nyankassa, le corps, comme radiographié et soumis aux vibrations d'un champ magnétique, semble traversé par des rayons qui révèlent la densité des cellules et la circulation ininterrompue de fluides. Les dégradés de lavis rouge, bleu, noir, ainsi que les lignes concentriques créent la sensation que le personnage appartient à un univers parallèle, à un autre monde.
Promises
2019
Acrylique et encre sur toile Courtesy Barthélémy Toguo, Bandjoun Station/Galerie Lelong & Co. O Adagp, Paris, 2021
La thématique de la complémentarité de l'homme et de la femme éclaire la peinture Promises. Les procédés de stylisation et de distorsion mettent les formes en relation, soulignant ainsi leur sensualité.
Le souffle des offrandes
2010
Aquarelle sur papier marouflé sur toile Courtesy Barthélémy Toguo, Bandjoun Station/Galerie Lelong & Co Adagp, Paris, 2021
Motif récurrent dans les dessins et peintures de Barthélémy Toguo, les clous plantés dans le corps symbolisent la souffrance. Cette suggestion se trouve renforcée par les mains tendues vers le ciel, geste de supplique que l'on retrouve fréquemment dans les œuvres de l'artiste.
Les clous font penser à la Crucifixion, supplice et mode d'exécution courants dans l'Empire romain. Par ailleurs, ils évoquent le nkisi nkondi, objet doué de pouvoirs occultes des peuples kongo et apparentés (Congo, République démo cratique du Congo et Angola), que les missionnaires chrétiens se sont efforcés de détruire.
Purification XXX
2013
Aquarelle sur papier marouflé sur toile Berlin -Helsinki, Miettinen Collection
© Adagp, Paris, 2021
Energies vitales
Les oeuvres de Barthélémy Toguo mêlent souvent l'humain, le végétal et l'animal, faisant naître des figures hybrides ou des sortes de chimères. Ainsi, une tête stylisée d'hippopotame se dresse au-dessus d'un buste habillé d'une veste ; d'autres représentations dotées de traits humains expressifs sont surmontées de cornes ; ailleurs, une plante jaillit d'une bouche béante.
Cette esthétique qui trouble les repères morphologiques rejoint la conception de certains types de masques de l'Afrique subsaharienne marqués par l'anthropomorphisme. Ce concept crée des corrélations entre les humains et d'autres entités tels les esprits et les divinités appartenant à la nature ou à un autre univers.
The Giving Person in the Solitude
2010
Aquarelle sur papier marouflé sur toile Berlin Helsinki, Miettinen Collection
© Adagp, Paris, 2021
Purification XXX
2010
Aquarelle sur papier marouflé sur toile
Courtesy Barthélémy Toguo, Bandjoun Station/Galerie Lelong & Co © Adagp, Paris, 2021
Devil Heads 19
2015
Encre sur papier
Courtesy Barthélémy Toguo, Bandjoun Adagp, Paris, 2021
Station/Galerie Lelong & Co
Devil Heads 15
2015
Encre sur papier
Courtesy Barthélémy Toguo, Bandjoun Adagp, Paris, 2021
Station/Galerie Lelong & Co
Devil Heads 11
2015
Encre sur papier
Courtesy Barthélémy Toguo, Bandjoun Station/Galerie Lelong & Co
© Adagp, Paris, 2021
Ghost tonight XXIX
2012
Encre et collage sur papier Courtesy Barthélémy Toguo, Bandjoun Station/Galerie Lelong & Co O Adagp, Paris, 2021
Dans les dessins et collages de Barthélémy Toguo, des éléments se combinent parfois et construisent des figures anthropozoomorphes, à l'instar de Ghost tonight XIII. La composition crée une atmosphère quelque peu surréaliste : le visage fantomatique, couvert de rayures blanches et noires comme celles d'un zèbre, est encadré par une large collerette. Ces caractéristiques évoquent un type de masque des peuples Songye de la République démocratique du Congo.
Jugement dernier XIV
2012
Aquarelle sur papier marouflé sur toile Courtesy Barthelémy Toguo, Bandjoun Station/Galerie Lelong & Co ©Adago, Paris, 2021
Le titre de l'oeuvre renvoie à l'épisode de la Bible où le Christ juge les âmes des morts. Même si l'aquarelle de Barthélémy Toguo prend ses distances avec le récit biblique, la dimension spirituelle est présente. Le crâne, figuré ici quatre fois, constitue dans la symbolique chrétienne une métaphore du Golgotha (« le lieu du Crâne »). Dans de nombreuses civilisations, le crâne symbolise à la fois la condition mortelle de l'être humain et la partie impérissable de son corps, son squelette. Aujourd'hui encore, certaines familles bamiléké rendent hommage à leurs ancêtres en conservant leur crâne, incarnation du lien entre les générations. La plante qui prend naissance dans les mâchoires évoque la notion de vitalité. Cette plante dotée de longues tiges aux feuilles caractéristiques se retrouve dans d'autres oeuvres de l'artiste.
Ghost tonight XIII
2012
Encre et collage sur papier
Courtesy Barthélémy Toguo, Bandjoun Station/Galerie Lelong & Co
© Adagp, Paris, 2021
The Lover
2010
Bronze, Susse Fondeur, 3 exemplaires Courtesy Barthélémy Toguo, Bandjoun Station/Galerie Lelong & Co
© Adagp, Paris, 2021
L'origine du monde
2010
Bronze, Susse Fondeur, 3 exemplaires Courtesy Barthélémy Toguo, Bandjoun Station/Galerie Lelong & Co © Adagp, Paris, 2021
Judith et Holopherne
2012
Émail sur plaque en porcelaine tendre d'Adrien Rovero, Sèvres-Cité de la céramique, exemplaires uniques Courtesy Barthélémy Toguo, Bandjoun Station/Galerie Lelong & Co © Adagp, Paris, 2021
Le titre de cette œuvre ne peut être interprété comme un symbole de liberté : Judith, héroïne biblique du 7e siècle avant J.-C., délivra le peuple de Judée, les Israélites, assiégés par une fraction de l'armée assyrienne, en décapitant son chef Holopherne, après lui avoir apporté des cruches de vin, l'avoir séduit et enivré.
Water Matters
2020
Technique mixte, acrylique et encre sur toile, table en bois et bouteilles en verre gravées Courtesy Barthélémy Toguo, Bandjoun Station/Galerie Lelong & Co. © Adagp, Paris, 2021
Musique: La jeune fille et l'hippopotame Artistes : Jean-Philippe Rykiel, Lansiné Kouyaté Album: Kangaba-Paris Date de sortie : 2018 Label: Buda Musique
Water Matters a été créée spécialement pour cette exposition. Tout y évoque le manque d'eau. L'homme représenté sur la fresque semble désespéré. De sa bouche jaillissent des filaments; est-ce son souffle qui s'exhale dans un cri de douleur ou l'eau qui pénètre en lui? Ses bras se démultiplient pour tenter de saisir le liquide rare et pour implorer le ciel. Cela nous renvoie à la situation des pays confrontés aux problèmes d'accès à l'eau potable. Mais ne faut-il pas déceler une lueur d'espoir dans les feuilles et les fleurs écloses sur les bouteilles, et dans les notes du piano et du balafon qui se répondent.
Créer pour dire le monde
"L'art n'est pas à mes yeux une réjouissance solitaire, il est un moyen d'émouvoir le plus grand nombre d'hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes."
Barthélémy Toguo a fait siens ces mots d'Albert Camus. Il se veut un témoin actif plus qu'un simple observateur. Ses créations sollicitent notre empathie et nous font partager le destin de ceux qui sont opprimés, torturés, qui fuient les guerres, les catastrophes climatiques et les épidémies. Les oeuvres de cette section confrontent notre regard et notre conscience à des événements tragiques ou menaçant l'humanité.
L'artiste a également concrétisé sa vision du monde en créant, en 2008, Bandjoun Station, qui regroupe un centre d'art et un espace dédié à une agriculture écologique.
Déluge XI
2016
Encre sur papier marouflé sur toile
Courtesy Barthélémy Toguo, Bandjoun Station/Galerie Lelong & Co Atelier Marsalum/Dominique Simon -
Nicolas Schneider
© Adagp, Paris, 2021
Un serpent se dresse au milieu de têtes émergeant des flots déchaînés. Scène de fin du monde annoncée par les textes sacrés ? Que retenir du serpent, animal ambivalent dans la Bible? S'il incarne la ruse, la tentation et le péché pour avoir incité Adam et Ève à manger le fruit défendu, il joue un rôle positif lors de l'affrontement de Moïse avec Pharaon : le bâton de son frère Aaron se transforme en un serpent anéantissant leurs adversaires. Mais l'œuvre Déluge XI ne renvoie-t-elle pas aussi aux drames des déshérités qui, fuyant la guerre, la misère, la dictature, bravent la mer dans l'espoir d'une vie meilleure ?
Vaincre le virus ! I
Vaincre le virus ! VIII
Vaincre le virus! III
2016
Porcelaine, exemplaires uniques
Courtesy Barthélémy Toguo, Bandjoun Station/Galerie Lelong & Co.
© Adagp, Paris, 2021
En 2016, Barthélémy Toguo s'est rendu à Jingdezhen, haut lieu de la production de céramique en Chine, pour maîtriser la peinture sur porcelaine à main levée, technique utilisée pour la réalisation de cette série de vases. Les mains rouges évoquent la chaîne de la contamination, le sang, la maladie et la mort. L'autoportrait de l'artiste nous interpelle: est-il le témoin d'un drame inéluctable ou celui qui garde espoir ? Le vase est-il le réceptacle de ce qui reste du corps des défunts ou contient-il des produits qui sauveront des vies ?
Road to Exile
2008
Barque en bois, ballots de tissus, bouteilles
Courtesy Barthélémy Toguo, Bandjoun Station/Galerie Lelong & Co.
© Adagp, Paris, 2021
L'exil est au cœur des préoccupations de Barthélémy Toguo, quí a décliné plusieurs versions de Road to Exile. Cette barque en bois, sur laquelle s'accumulent des ballots en tissu "wax", des ustensiles en plastique notamment des théières - multicolores utilisées par les fidèles musulmans pour leurs ablutions -, posée sur une mer de bouteilles, nourrit la métaphore du voyage vers l'inconnu, voire la mort. Elle symbolise l'embarcation des « migrants », fuyant la guerre et la misère pour un hypothétique éden, mais aussi la traite négrière coloniale, qui a déporté environ treize millions d'Africains entre le 16è et le 19è siècle.
© musée du quai Branly
https://www.barthelemytoguo.com/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Barth%C3%A9l%C3%A9my_Toguo