Claude Monet
Le Bassin aux nymphéas, 1917-1919
Huile sur toile
Collection particulière
FLV
Joan Mitchell
Champs, 1990
Huile sur toile
Collection particulière
Construit en miroir, ce diptyque retranscrit le paysage qui inspire Mitchell depuis sa terrasse à Vétheuil. Les touches horizontales superposées de bleu, de violet et de vert sont entourées de bords blancs, donnant une force lumineuse à l'ensemble de la composition. Réalisée en 1990 à la fin de sa vie, cette œuvre constitue la synthèse de nombreux paysages mémorisés, tout en s'inspirant de son vécu immédiat : le vert n'est pas simplement celui d'un champ, mais, selon une de ses proches, celui des rayons X visualisés au moment de son opération de la mâchoire.
Claude Monet
Nymphéas avec reflets de hautes herbes, 1897
Huile sur toile
Nahmad Collection
Claude Monet
Les Agapanthes, 1916-1919
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Nymphéas, harmonie en bleu, 1914-19
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Ces deux grandes études exécutées par Monet, probablement en plein air, permettent de reconstruire le processus de création du triptyque de L'Agapanthe (1915-1926) présenté dans l'exposition. Elles s'inspirent de la flore du jardin de Giverny, les nymphéas du bassin et les agapanthes poussant à la lisière de l'eau. Le cadre est un gros plan dans un grand format carré (Nymphéas, harmonie en bleu, 1914-1917) est inédit chez Monet et préfigure la vision panoramique, sans repère spatial, des Grandes Décorations.
Claude Monet
Saule pleureur et Bassin aux nymphéas, 1916-1919
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Cette toile appartient à un ensemble d'études pour les Grandes Décorations (1914-1926) et témoigne d'un changement radical d'échelle. Monet choisit de peindre le saule qui se trouve à l'est du bassin. Le tronc représenté par une gamme de marron, rouge, violet et vert, domine la composition tandis que les branches se reflètent dans le bassin adjacent. Un parterre de verdure aux traits verticaux accentue le mouvement ascendant de l'œuvre. Ces études n'étaient pas destinées à la vente. Monet souhaitait en garder le secret avant l'inauguration des Grandes Décorations à l'Orangerie.
Joan Mitchell
Sans titre, 1955
Huile sur toile
Collection particulière
Peinte dans les premières années de sa période abstraite, cette toile illustre une transition dans l'œuvre de Joan Mitchell, passant d'un style encore influencé par l'expressionnisme abstrait à un vocabulaire lyrique qui lui est propre. Elle s'intègre dans une série de peintures inspirées par les lacs et rivières américains (Monongahela, City Landscape, Hudson River Day Line, peintes entre 1955 et 1956). Mitchell utilise une peinture diluée à la térébenthine pour traduire l'impression d'eau qui s'écoule. Dans un geste paradoxalement plus libre et plus contrôlé que dans ses précédentes créations, l'artiste entrelace des touches verticales de bleu cobalt et de vert foncé, en référence à une végétation aquatique.
Joan Mitchell
Cercando un ago, 1959
Huile sur toile
Joan Mitchell Foundation, New York
Cette œuvre appartient à un ensemble de plus de quinze peintures, dont certaines sont exposées en 1960 à la galerie Neufville à Paris. Comme l'indique Katy Siegel, cette série, par son réseau de coups de brosses entrecroisés, fait probablement référence aux Meules de Monet de l'Art Institute de Chicago que Joan Mitchell connaissait. Dans des variations subtiles de vert, violet, orange et rouge, l'artiste semble jouer sur l'expression française "chercher une aiguille dans une botte de foin", synonyme de "chercher l'impossible".
Le geste chorégraphique et tournoyant de Mitchell pourrait rappeler une conception de l'espace dérivant de sa pratique du patinage artistique, qui s'assimile selon les critiques américains à un "cyclone". Sa palette aux tracés libres rappelle la gamme chromatique du Saule pleureur et Bassin aux nymphéas (1916-1919) de Claude Monet.
Claude Monet
Nymphéas, 1916-1919
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Joan Mitchell
Quatuor II for Betsy Jolas, 1976
Huile sur toile
Centre Pompidou, Paris. Musée national d'art moderne
Centre de création industrielle, en dépôt au musée de Peinture et de Sculpture, Grenoble
Œuvre clé, ce quadriptyque est dédié à la compositrice Betsy Jolas (1926-), dont il évoque le deuxième quatuor. Joan Mitchell admire le talent et le lyrisme de son répertoire, à une époque où toutes deux sont reconnues publiquement. La genèse de cette composition vient d'un dessin d'arbre, en partie transposé par les touches verticales vertes du panneau central. La lumière des bords de Seine apparaît à travers le "violet de Monet" que Mitchell percevait le matin et qui anime la composition. Les quatre panneaux offrent une vue panoramique de sa fenêtre à Vétheuil et traduisent un sentiment d'espace immersif. Œuvre majeure de son exposition parisienne à la galerie Jean Fournier en 1976, cette composition est modifiée pendant un an, l'artiste s'attachant particulièrement à l'ordre des toiles.
Claude Monet
Nymphéas, reflets de saule, 1916-1919
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Claude Monet
Les Hémérocalles, 1914-1917
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Réalisée dans une palette vive, composée de verts et d'orange, Les Hémérocalles incarne une végétation à la lisière de l'eau. Par un travail minutieux, le peintre de Giverny s'imprègne des hémérocalles, de leurs tiges jusqu'aux fleurs orange et mauves, se détachant sur le bassin au fond ocre parsemé de touches tournoyantes bleues et violettes. La luminosité de la composition est renforcée par les espaces en réserve autour du motif floral et du parterre de verdure.
Cette œuvre appartient à un ensemble d'études de plantes sur la rive du bassin - comprenant agapanthes, lis et iris - qui apparaissent sous forme de détails dans des compositions dès 1900.
Claude Monet
Coin du bassin aux nymphéas, 1918-1919
Huile sur toile
Musée d'Art et d'Histoire, Genève, ancien dépôt de la Fondation. Garengo, 1990
Coin de l'étang à Giverny, 1917
Huile sur toile
Musée de Peinture et de Sculpture, Grenoble,
don de l'artiste en 1923
Joan Mitchell
Un jardin pour Audrey, 1975
Huile sur toile
Collection particulière
Mitchell peint ce diptyque en mémoire de l'épouse de Thomas B. Hess, Audrey, décédée soudainement moins d'un mois après un déjeuner avec Annalee Newman, veuve du peintre Barnett Newman, à La Tour, la propriété de Mitchell à Vétheuil. D'après Jean Fournier, son galeriste, Audrey avait offert à Mitchell un arbre à fleurs qui occupait une place importante dans son jardin. Les verts juxtaposés à des noirs dominent, mis en valeur par le lilas et le rouge orangé, bordés au centre par des blancs. Cette immersion dans la nature traduit le vocabulaire de l'artiste alternant coulures, étalements diaphanes, aplats, touches libres et pointillés. Cette œuvre dialogue avec la série des Coins du bassin (1917-1919) et les Hémérocalles (1914-1917) de Claude Monet, rappelant leur sensibilité commune aux couleurs de leur jardin.
Claude Monet
Nymphéas, 1914-1917
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Sensation et feeling
À partir du jardin que Monet crée comme motif et du paysage élu par Mitchell à Vétheuil, les deux artistes cherchent à fixer une sensation ou un feeling, soit le souvenir de l'émotion provoquée au contact de la nature et transformée par la mémoire. C'est dans leur quête incessante autour de la couleur que les correspondances entre les deux artistes sont les plus fortes.
Un jardin pour Audrey (1975), dans un format monumental, un vocabulaire clairement abstrait et une gamme chromatique où dominent les verts, jaunes et orange sur fond blanc, fait écho aux Hémérocalles (1914-1917) et aux Coins du bassin (1917-1919) de Monet.
Beauvais (1986), réalisé à l'occasion de la visite de Mitchell à l'exposition des Matisse présentés à Lille, rejoint la liberté de touche des Iris jaunes (1914-1917) de Monet. La gamme des bleus, verts et mauves de Row Row (1982) dialogue avec celle des Nymphéas avec rameaux de saule (1916-1919) et des Nymphéas (1916-1919), dont la sérialité conduit progressivement à l'effacement du motif au service d'une planéité à la limite de l'abstraction.
Contrastant avec une composante de mauves et de violets, les jaunes dominent dans Two Pianos (1980), dont la dynamique des touches renvoie à une composition musicale éponyme de Gisèle Barreau. Dans une gamme inédite de rouge et de jaune feu, La Maison de l'artiste vue du jardin aux roses (1922-1924) de Monet atteste de la liberté expressive de la couleur et du geste dans ses dernières œuvres. Une même dissolution du sujet est notable dans une série de tableaux de chevalet : Le Pont japonais (1918-1924) et Le Jardin à Giverny (1922-1926).
Claude Monet
Iris jaunes, 1914-1917
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Joan Mitchell
Beauvais, 1986.
Huile sur toile
Fondation Louis Vuitton, Paris
La série des nymphéas
De 1900 à 1926, Monet peint environ quatre cents tableaux dont trois cents toiles sont consacrées aux nymphéas de Giverny. À travers ces œuvres, l'artiste apporte de multiples réponses à sa quête de "sensation", d'un paysage soumis aux changements des saisons et de lumière. Le format est au cœur de son propos et la succession des tableaux renforce l'approche globalisante d'un paysage perçu comme un tout. La sérialité des Nymphéas l'amène à la dissolution progressive du motif, les profondeurs de l'étang étant suggérées par une unité de bleu, de vert et de mauve. La dominante de bleu de Row Row (1982), œuvre réalisée en réponse à la disparition de la sœur de Mitchell la même année, rappelle les mondes aquatiques évoqués dans la chanson d'enfance de l'artiste, "Row, Row, Row Your Boat".
Claude Monet
Nymphéas avec rameaux de saule, 1916-1919
Huile sur toile
Paris, lycée Claude-Monet
Don de Michel Monet, en dépôt au Musée des impressionnismes, Giverny
Claude Monet
Nymphéas, 1914-1916
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Claude Monet
Nymphéas et agapanthes, 1914-1917
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Claude Monet
Nymphéas bleus, 1916-1919
Huile sur toile
Musée d'Orsay, Paris
Monet cultive ses "nymphéas" depuis 1893 dans sa propriété de Giverny. À partir des années 1910 et jusqu'à sa mort en 1926, le jardin et son bassin deviennent son unique source d'inspiration : "J'ai repris encore des choses impossibles à faire : de l'eau avec des herbes qui ondulent dans le fond. (...) Mon plus beau chef-d'œuvre, c'est mon jardin".
Évacuant l'horizon et le ciel, Monet concentre son point de vue sur une petite zone de l'étang, perçue en plan rapproché comme un fragment. La fusion des éléments aquatiques et végétaux entraîne une dissolution du motif. La touche du peintre témoigne de la liberté de son geste dans sa période tardive.
Claude Monet
Nymphéas, 1914-1917
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Claude Monet
Nymphéas, reflets de saule, 1916-1919
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Joan Mitchell
Row Row, 1982
Huile sur toile
Fondation Louis Vuitton, Paris
Claude Monet
La Maison de l'artiste vue du jardin aux roses, 1922-1924
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Joan Mitchell
Two Pianos, 1980
Huile sur toile
Collection particulière
Ce diptyque peint suite à la composition musicale Piano, Piano de Gisèle Barreau révèle la complicité des deux artistes : "J'entends l'œuvre, je l'écoute, je la ressens, mais j'approche également ta partition de façon visuelle, telle une œuvre picturale. Je ne peux m'en empêcher".
Les deux panneaux se répondent telle une composition musicale en contrepoint, chacun conservant son autonomie. Un jaune cadmium citronné dominant est appliqué en courtes touches verticales sur le haut des deux toiles ; au centre, la couleur lavande se mélange au jaune orange, en préservant des espaces de pause en réserve. Ces couleurs vives font également apparaître une sous-couche bleu foncé.
Gisèle Barreau traduit bien le lien entre Two Pianos et sa composition Piano, Piano: "Note contre note, masse contre masse, touche contre touche, mille détails tissés fil à fil, et qui dégagent finalement la perception de paysages intenses et résonants".
Claude Monet
Le Bassin aux nymphéas, 1918-1919
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Variante inattendue du bassin aux nymphéas, cette œuvre traduit l'audace de Monet dans sa dernière période, tant au niveau de la couleur que de la touche picturale. La composition, rythmée essentiellement par des touches de différents rouges, ne fait état d'aucun repère spatial et se rapproche d'un monochrome abstrait. L'intensité et le décalage chromatique de la dominante, ponctuée de verts et d'orange, traduisent l'intériorisation du paysage auquel Monet parvient à la fin de sa vie.
Ellsworth Kelly, après avoir découvert un grand Nymphéas à l'exposition de la Kunsthalle de Zurich en 1952, se rend dans l'atelier de Giverny, alors déserté, et réalise suite à sa visite son premier monochrome vert (Tableau vert, 1952, The Art Institute of Chicago). Il organise en 2015 une exposition au Clark Institute de Williamstown, confrontant son travail à celui de Monet, dans laquelle il inclut cette œuvre.
Présence de la poésie
La poésie accompagne en permanence Joan Mitchell. Fille de la poète Marion Strobel, elle est proche d'écrivains et de poètes américains : James Schuyler, Frank O'Hara, John Ashbery... et, en France, de Samuel Beckett et Jacques Dupin. Sans titre, peint vers 1970, faisait partie de la collection de ce dernier, dont quatre poèmes ont inspiré les compositions au pastel réalisées par Joan Mitchell aux alentours de 1975 et présentées dans cette salle.
Claude Monet côtoie les écrivains de son temps, comme Zola, Maupassant, Mallarmé et Valéry. Les poètes sont d'ailleurs parmi les premiers, et longtemps les seuls, à célébrer l'œuvre tardive de Monet, à laquelle appartient Iris (1924-1925).
Mon Paysage (1967), à travers la synthèse et l'économie de son titre, résume à lui seul l'engagement fondamental de Mitchell : "Je peins à partir de paysages mémorisés que j'emporte avec moi - et de sensations mémorisées... "
Claude Monet
Iris, 1924 1925
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Joan Mitchell
Mon paysage, 1967
Huile sur toile
Fondation Marguerite & Aimé Maeght, Saint-Paul-de-Vence
Joan Mitchell
Sans titre, 1970
Huile sur toile
Collection particulière
Cette œuvre est proche du tableau La Ligne de la rupture, qui fait référence à un poème de Jacques Dupin, daté de la même époque. La poésie a toujours été pour l'artiste une source d'inspiration et d'énergie créatrice. L'art poétique, tout comme la peinture, lui permet de retranscrire la vérité de ses "feelings" (sentiments).
La toile se compose de deux masses distinctes, bleu et rouge, jouant d'aplats transparents dilués à la térébenthine et ponctués de touches finales d'orange vif. Les variantes de la surface entre chaque couche de peinture, l'importance de la translucidité ainsi que les contrastes de couleurs font vibrer la toile et accentuent sa sensualité.
Claude Monet
Nymphéas, étude, 1907
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Joan Mitchell
River II, 1986
Huile sur toile
ASOM Collection
River II (1986) de Mitchell et Nymphéas, étude (1907) de Monet soulignent l'importance du blanc et du vide chez les deux artistes. L'esquisse de Monet laisse en réserve les bords de l'étang où le ciel et la végétation environnante se reflètent. On retrouve cette liberté rythmée dans River II, dont le mouvement du fleuve est évoqué par des touches ondulantes ponctuant un espace aquatique où prédomine le blanc.
Claude Monet
Nymphéas, 1917-1919
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Inspirée du bassin aux nymphéas de son jardin, la toile constituerait une première étude pour les Grandes Décorations (1914-1926). Le contour de l'étang est évoqué par une succession de végétaux verts, jaunes et violets. Au centre de la composition, l'eau est rendue par des touches horizontales plus espacées. Son état d'inachèvement et les zones laissées en réserve, accentuant la planéité de la toile, attestent de la modernité du dernier Monet.
Sobrement intitulée Étude dans l'inventaire du legs de Michel Monet en 1966, elle est désormais qualifiée de Nymphéas "abstrait" par le musée Marmottan Monet. Inédite dans son œuvre, cette peinture dialogue avec la palette de River de Mitchell - verts, bleus, violets, parme, jaunes, et pointillés de rouge, structurés par quelques touches noires et rappelle leur fascination commune pour l'eau et sa transparence.
Joan Mitchell
River, 1989
Huile sur toile
Fondation Louis Vuitton, Paris
River appartient à une série d'œuvres évoquant la Seine, qui coule non loin de l'atelier de Joan Mitchell à Vétheuil. Dans ce diptyque, Mitchell trace sur deux panneaux des coups de pinceau vigoureux dans une gamme de verts, de bleus, de violets et de rouges. La composition est traversée par une bande jaune évoquant les eaux vives du fleuve et par des touches ondulantes bleues diluées à la térébenthine qui rappellent le ciel et le mouvement des nuages.
"Une onde sans horizon et sans rivage"
(Claude Monet)
L'espace laissé en réserve domine dans les Nymphéas de Monet (1917-1919) et River de Mitchell (1989), mis en dialogue : le blanc en apprêt ou en rajouts s'associe à une gamme de vert, bleu, jaune et mauve, éclairant les compositions dans l'ouverture et l'extension de l'espace. Monet retranscrit la fluidité de l'eau par des touches courtes proches d'une écriture calligraphique que l'on retrouve avec une autre intensité dans la gestualité expressive du diptyque de Mitchell.
Joan Mitchell
Edrita Fried, 1981
Huile sur toile
New York, Fondation Joan Mitchell
En 1981, Edrita Fried, psychanalyste proche de Mitchell, meurt soudainement. L'artiste évoque la persistance de sa présence dans un quadriptyque monumental alternant le bleu-violet, le jaune de feu et l'orange. Ces couleurs font écho au jardin qu'elle crée à sa mémoire avec son amie compositrice Gisèle Barreau.
Cette œuvre se lit dans un mouvement crescendo, de gauche à droite, ponctué de longues touches témoignant d'une énergie débordante, alliant ainsi la structure à la couleur et à l'intensité. Des coups de pinceau rapides et éclatants renforcent la dimension expressionniste de la composition, faisant également écho, par sa palette, à la toile de Van Gogh, Champ de blé aux corbeaux (1890, Van Gogh Museum, Amsterdam). Mitchell connaissait bien cette œuvre dont elle appréciait la description d'Antonin Artaud, qui l'a probablement inspirée pour cette composition: " C'est [...] comme une mer liquide que Van Gogh jette". Cette période marque un renouvellement stylistique pour l'artiste, notamment par l'introduction de grands polyptyques dont Salut Tom (1979), La Vie en rose (1979), The Goodbye Door (1980), Edrita Fried (1981) et Chez ma sœur (1981-1982). Dans cet ensemble de peintures, Joan Mitchell transforme sa tristesse, liée à une série de pertes, en toiles lumineuses et monumentales.
Le quadriptyque Edrita Fried (1981) aux couleurs éclatantes d'orange intense et de jaune feu ponctuées de bleu-violet et renforcées par la luminosité créée par les blancs de l'apprêt et des réserves - évoque la présence toujours vive de l'amie psychanalyste de Mitchell récemment décédée. L'œuvre se lit dans un mouvement crescendo de gauche à droite et fait écho par sa palette à Van Gogh, un artiste toujours très présent pour Mitchell. Celle-ci évoque la tristesse que peuvent susciter certaines couleurs vives: " Pour moi, jaune ce n'est pas forcément joyeux" .Ce polyptyque monumental introduit le cycle de La Grande Vallée (1983-1984).
Le bleu céruléen du ciel et de l'eau, le jaune des champs de colza et des tournesols, sont traduits à travers des gestes aussi puissants qu'aériens dans Bracket (1989).
Joan Mitchell
Bracket, 1989
Huile sur toile
San Francisco Museum of Modern Art, San Francisco, The Doris and Donald Fisher Collection
L'œuvre tardive de Mitchell, Bracket, reste empreinte d'un même souffle créateur qui se manifeste par la maîtrise des alliances de couleurs et une grande liberté. La gestualité de son corps en mouvement façonne sa conception de l'espace, s'exprimant par des touches entremêlées dans la série River, Chord, et Lille de 1986-1987. Sa conception de l'espace très aérienne dessine l'atmosphère colorée de son paysage en trois panneaux : la lumière de Vétheuil, le bleu céruléen du ciel et de l'eau, le jaune des champs de colza et des tournesols. L'utilisation de brosses variées crée des différences d'intensité, tandis que les réserves et les ajouts de blanc préservent de nombreux espaces de respiration.
Claude Monet
Glycines, 1919-1920
Huile sur toile
Musée Marmottan Monet, Paris
Avant 1905, Monet ajoute à son pont japonais un treillis en métal sur lequel poussent des glycines, qui deviennent un motif essentiel pour le peintre pendant cette dernière période. Guirlandes de fleurs aux motifs décoratifs, les Glycines sont pensées en panneaux horizontaux d'un mètre sur trois et destinées à couronner les Grandes Décorations (1914-1926).
Conçues comme des frises, elles ne font apparaître aucun élément architectural. Le ciel est évoqué par les bleus et les violets dans une composition sans repère spatial, soulignant la dimension atmosphérique et immersive de ces œuvres. Aux confins de l'abstraction et des arts décoratifs, les Glycines traduisent l'intérêt de Monet pour la tradition du panorama, qu'il transforme toutefois : le spectateur ne voit pas la scène à distance mais de près, ce qui lui permet de percevoir la texture picturale, dans une lumière naturelle et non théâtrale. En 1920, les Glycines étaient prévues pour la salle unique du pavillon qui devait être édifié dans le jardin de l'hôtel Biron, tout comme le triptyque de L'Agapanthe (1915-1926)