Au milieu de l'été 1922, Toyen rencontre sur l'île croate de Korčula le jeune peintre Jindřich Štyrský, pareillement en rupture avec sa famille, l'enseignement des beaux-arts et l'ordre social. C'est le début d'une collaboration à vie. De retour à Prague, ils rejoignent le groupe Devětsil, alors creuset de l'avant-garde, et participent à toutes ses expositions avec des tableaux entre purisme et constructivisme.
Entre 1924 et 1929, Toyen et Štyrský voyagent en Europe, séjournent à Paris et y exposent. Fascinée par la diversité des spectacles, cirques, music-hall, fêtes foraines.... Qu’ils y découvrent, Toyen réalise en 1925 une série de tableaux "primitivistes", mais dont la facture et l'humour les rapprochent de nombreux petits croquis érotiques témoignant déjà d'une composante majeure de sa sensibilité.
En 1926, Toyen et Štyrský définissent leur vision commune sous le nom d'artificialisme, visant à "provoquer des émotions poétiques qui ne sont pas seulement optiques". On peut y reconnaître une préfiguration, trente ans avant, de l'abstraction lyrique, même si l'artificialisme s'en différencie par la subtilité d'un "miroir sans image", dans lequel Toyen comme Štyrský ont affirmé "l'identification du peintre au poète".
Coussin
1922
Huile sur carton
Paris, collection particulière
Port
1925
Huile sur toile
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne
CCI Don du vicomte Charles de Noailles, 1971
Fata Morgana (Mirage)
1926
Huile sur toile
Hluboká nad Vltavou, Galerie Aleš de la Bohême du Sud
Rizière
1927
Huile sur toile
Galerie de la Ville de Prague
Les Avaleurs d'épées
1925
Huile sur toile
Prague, galerie Zlatá Husa
Les Danseuses
1925
Huile sur toile
Galerie nationale de Prague
Harem
1925
Huile sur toile
Collection particulière
Le Paradis des Noirs
1925
Huile sur toile
Collection particulière,
avec l'aimable autorisation de la galerie KODL
Après Coussin, scène d'amour collectif, où se manifestait déjà l'humour avec lequel la toute jeune Toyen aborde la sexualité, Le Paradis des Noirs traite du même sujet trois ans plus tard lors de sa période "primitiviste". Plus abouti que le précédent, ce tableau peut être vu comme une synthèse de la multitude de croquis, à travers lesquels Toyen se plaît alors à imaginer toutes les variations possibles d'une exubérance amoureuse, qui s'affirme avec une irrépressible joie profane. D'autant que la construction de ce Paradis comme une scène de music-hall court-circuite l'engouement plus qu'ambivalent des années 1920 pour un "continent noir" revu et corrigé par les stéréotypes coloniaux. Il faut en effet avoir à l'esprit que ce tableau est contemporain du spectacle intitulé "La Revue nègre" qui est présenté à Paris au théâtre des Champs-Élysées à partir d'octobre 1925 par une troupe new-yorkaise de vingt artistes noirs, composée de douze musiciens et huit danseurs et choristes. Le public parisien est tout de suite fasciné par la nouveauté du spectacle, en particulier par le numéro de Joséphine Baker, qui, à demi-nue, exécute sa "danse sauvage", où se confondent humour et provocation.
Toyen en a retenu la force subversive qu'elle célèbre ici, à l'encontre de tout préjugé raciste, en évoquant, sous couvert de naïveté, l'idée d'un autre monde d'innocence première.
Scaphandrier
1926
Huile sur toile
Prague, Kunsthalle
Oasis
1929
Huile sur toile
Collection particulière
Paysage de lac
1929
Huile sur toile
Musée des Beaux-Arts d'Ostrava
Maison de thé
1927
Huile sur toile
Hluboká nad Vltavou, galerie Aleš de la Bohême du Sud
Fjords
1928
Huile sur toile
Galerie nationale de Prague
Au parc
1929
Huile sur toile
Galerie de la Ville de Prague
Le Lac de Côme
1929
Huile sur toile
Collection particulière
Roches basaltiques
1929
Huile sur toile
R2G Art Foundation
Vendanges
1927
Huile sur toile
Collection particulière
Peinture
1927
Huile sur toile
Galerie d'art moderne de Roudnice nad Labem
"Le cubisme a fait tourner la réalité, au lieu de déclencher le processus de l'imagination [...]. L'artificialisme arrive avec une perspective inverse. Il laisse la réalité tranquille mais s'efforce de libérer au maximum l'imagination."
Jindřich Štyrský et Toyen, "Artificialisme", 1926